Voici un très bon conseil : les dirigeants et le conseil d’administration doivent être encouragés et stimulés par le département de communication d’entreprise à utiliser la vision comme un outil de management.
La vision est trop souvent un vague mélange de mots qui ne veulent rien dire. Mais si les dirigeants veulent un « partenaire stratégique », ils devraient assumer la responsabilité de créer et de développer une vision forte. Ce n’est qu’à cette condition que le département de communication d’entreprise peut à son tour mettre au point une communication forte.
Cas : Lorsque C&A fut attaquée dans le Financial Times pour le recours au travail forcé dans sa chaîne de production, elle a réagi par une communication rapide et efficace. CommunicatieOnline, un blog de communication néerlandais, a félicité C&A pour la rapidité de sa réaction, pour une communication « dans les règles de l’art ».
Il est vrai que C&A a communiqué bien plus rapidement que H&M, mais il est également vrai que C&A a une vision très claire du travail forcé dans sa chaîne de valeur. Voici la communication envoyée en ligne par le directeur de la durabilité de C&A, Jeffrey Hogue : « Nous avons une politique de tolérance zéro pour toute forme d’esclavage moderne, en ce compris le travail forcé, servile ou pénitentiaire. Lorsque nous détectons un cas, nous mettons immédiatement fin à nos relations avec le fournisseur. »
Ceci est facile à comprendre et à communiquer. L’exemple montre comment une vision forte peut aider l’entreprise à mieux communiquer– et à améliorer sa réputation. Le fait que C&A possède une telle vision si claire ne porte pas préjudice au département de communication (ou RSE). Bien au contraire, cela montre que chez C&A, la communication d’entreprise et la RSE jouent leur rôle de « sparring-partners » stratégiques des dirigeants. Il n’y a aucun doute que la fonction de communication a aidé la direction à comprendre la nécessité de rendre cette politique claire et explicite.

La mission suivante du département de communication d’entreprise consiste à mesurer la « réputation » à la fois au sein de l’entreprise (« la culture ») et à l’extérieur de celle-ci (« l’image »), et à vérifier s’il existe des écarts entre la manière dont l’entreprise veut être vue et la manière dont elle est perçue en réalité.
Ceci s’inscrit parfaitement dans le conseil de Rumelt sur la bonne stratégie : cela nous invite à formuler un diagnostic en précisant le type d’entreprise que nous voulons être – et à quel point nous sommes en réalité éloignés de cette entreprise idéale.
En termes d’éléments concrets, voici l’ordre adéquat : mettez à jour la vision, mesurez la culture et la réputation. Jetez ensuite un coup d’œil sur les écarts et formulez l’« intention stratégique », avant de passer au plan de communication (publics, canaux, budget, etc.). Pour une entreprise de plus petite taille, vous n’aurez sans doute pas besoin d’en faire plus.
Vous pourriez simplement parcourir cette séquence le temps d’une réunion de 2 heures avec votre CEO et quelques autres dirigeants si vous êtes une entreprise de plus petite taille.
Mais pour les entreprises de plus grande taille, avec une cartographie plus complexe des parties prenantes, des dizaines de considérations et une certaine dose de politique interne, cela n’aboutit pas à une feuille de route débouchant sur une stratégie de communication d’entreprise.
4. Conception de la stratégie (mesures et réalisations pour des grandes entreprises)
Fort heureusement, Benita Steyn, une chercheuse universitaire sud-africaine, a créé un processus pratique pour l’élaboration d’une stratégie de communication d’entreprise, qui peut même s’appliquer aux entreprises les plus complexes (Steyn, 2000).
Le processus ‘pas à pas’ ci-dessous est basé sur les travaux de Benita Steyn et sur nos propres expériences d’élaboration de stratégies pour des clients opérant dans des environnements composés d’intervenants complexes.
Étape 1 : Analyse de l’environnement interne
Avant qu’une quelconque communication puisse commencer, nous devons savoir où veut aller l’entreprise. La première étape consiste donc à faire le point sur la vision, la mission et les valeurs existantes – et de demander à la haute direction si la vision/mission est encore d’actualité. (C’est la partie « vision » du diagramme de Hatch-Schultz)
Parallèlement, il est important que vous sachiez ce que pensent et ce que font les collaborateurs internes. (La partie « culture » du diagramme de Hatch-Schultz)
La meilleure manière d’obtenir cette information est de parler avec les ressources humaines, et ce qui est encore mieux, c’est de réaliser une enquête de réputation interne. Certaines entreprises possédant de grands départements d’assistance à la clientèle disposent également d’indicateurs et d’un feedback qualitatif sur le comportement de leurs employés, comme des rapports sur les scores de satisfaction ou de groupes de discussions. Ces rapports peuvent mettre en lumière des écarts qui existent entre vision et culture ou entre image et culture.
Benita Steyn recommande également au département de communication d’entreprise de bien étudier les politiques formelles et informelles en vigueur au sein de l’entreprise, car elles ont également un impact sur la culture. Imaginez une scale-up en pleine expansion, financée par un capital à risque, qui souhaite avoir accès aux clients de l’entreprise au niveau cadres supérieurs – peut-être le moment est-il venu de parler du code vestimentaire et de l’utilisation de smileys dans les e-mails cette année ?
Enfin, peut-être est-il important que la haute direction ainsi que les directeurs des unités commerciales formulent leurs stratégies (d’entreprise, organisationnelles et commerciales) et les communiquent au département de communication d’entreprise.
Étape 2 : analyse de l’environnement externe
Il est temps à présent de tourner notre regard vers l’extérieur. Nous voulons en apprendre le plus possible sur la manière dont le monde extérieur nous voit, mais également sur la manière dont le monde extérieur pourrait nous voir dans le futur.
Voici quelques outils utiles à cet effet :
L’analyse PESTEL : en analysant le contexte (P)olitique, (É)conomique, (S)ocial, (T)echnologique, (E)nvironnemental et (L)égislatif de l’entreprise, nous comprendrons notre rapport avec le monde extérieur. C’est là où le département de communication d’entreprise apporte sa compréhension stratégique de l’entreprise et du contexte dans lequel elle opère.
Audits de réputation. Ils prennent différentes formes. Les enquêtes et les interviews sont ici de très bons outils – qu’il s’agisse d’études quantitatives ou d’études qualitatives (comme des groupes de discussions ou des entrevues qualitatives semi-structurées). Mais vous pouvez également apprendre un grand nombre de choses d’une immersion profonde dans les médias (audit des médias), à l’aide d’un logiciel permettant d’identifier les questions, les intervenants et les publics qui s’organisent autour d’elles.
Identification et cartographie des intervenants. Grâce aux enquêtes de réputation, vous devriez être capable d’identifier et de cartographier la plupart des intervenants les plus concernés.
Étape 3 : Identifiez les principaux problèmes
Par votre lecture attentive des médias et des communications et rapports des intervenants, vous devriez être capable de créer une liste de toutes les questions intéressant les intervenants auxquelles est confrontée votre entreprise.
Identifiez ensuite les publics – c’est-à-dire les personnes qui s’organisent autour de ces questions. D’un point de vue technique, les intervenants sont considérés comme des acteurs affectés par votre entreprise ou par des problèmes de votre secteur, mais qui ne s’organisent pas autour d’un problème particulier. Les publics, d’autre part, sont des intervenants qui s’activent et s’organisent autour de certaines questions.
La distinction entre intervenants et publics peut paraître un peu secondaire, et un excès de jargon pourrait semer la confusion dans votre équipe de direction.
Mais il est crucial en revanche pour le département de communication d’entreprise d’être en mesure d’expliquer à la haute direction où l’on en est pour chacune des questions : est-elle émergente ou encore un peu marginale, est-elle en phase de croissance, ou est-elle totalement essentielle et susceptible de créer de graves perturbations à l’entreprise ? Et si les intervenants s’organisent : où se trouvent les chevauchements et les différences dans leur positionnement ?
Enfin, identifiez les conséquences des différentes questions pour l’entreprise, avec une attention particulière pour les questions qui paraissent petites et marginales, mais qui se multiplient.
En jetant un regard rétrospectif sur 2017, par exemple, il apparaît clairement que certaines industries étaient particulièrement vulnérables à un impact de #MeToo, en raison de la manière dont l’industrie fonctionne, en raison de leur culture d’entreprise (politiques formelles et informelles), mais également en raison de leur modèle d’entreprise et de leurs intervenants. Des industries avec de grands déséquilibres de pouvoir (comme le cinéma et la télévision, mais également le secteur humanitaire) sont plus vulnérables à des accusations d’abus de pouvoir. Les entreprises avec des intervenants technophiles, branchés et connectés peuvent rapidement être confrontées à des publics mécontents, bien organisés et bruyants (demandez à Amazon et Netflix).
Avez-vous une bonne maîtrise de l’impact de toutes ces questions sur le niveau entreprise, organisationnel et commercial ? Comprenez-vous les questions et les forces sociétales et économiques qui affectent l’entreprise ?
C’est dans cette compréhension de l’environnement interne et externe, qui est à la fois analytique et intuitive, que les responsables de communication d’entreprise et des relations publiques se montrent véritablement des partenaires stratégiques pour les dirigeants.
Étape 4 : Rapport des questions & des intervenants
Avant de parler au CEO ou à la haute direction au sujet de questions liées à la communication, ces dernières doivent être filtrées et classées en catégories. C’est à ce stade que vous créez un « rapport des questions et des intervenants ».
Benita Steyn propose un beau classement des intervenants, qui distingue quatre niveaux d’intervenants en fonction de leur « articulation » par rapport à l’entreprise :