Lors d’une crise comme celle du coronavirus, le meilleur et le pire se manifestent souvent, que ce soit chez les gens ou dans les entreprises. Naturellement, les infirmières, les médecins, les pharmaciens et les autres professionnels de première ligne (le personnel des supermarchés également) voient leur réputation plus que jamais renforcée.

Existe-t-il cependant un moyen sûr pour une entreprise de prendre une initiative sans que celle-ci ne lui explose à la figure ? Voici un aperçu des initiatives réputationnelles qu’ont pris les entreprises au sujet du coronavirus : qui a fait preuve de corporate citizenship et qui a montré son plus mauvais côté ?

Quelles sont les leçons à tirer pour les entreprises ?

Gagnants

La Chine

Il ne s’agit pas d’une entreprise, mais la Chine a fortement travaillé sur sa réputation durant cette crise. Selon Politico, le pays a mis en place une campagne de relations publiques « pas très subtile » pour appuyer sa bonne volonté dans le monde entier. L’Empire du Milieu a envoyé des masques de protection (en Belgique entre autres), des médecins (en Italie) et des kits de test (aux États-Unis). Cette stratégie a-t-elle fonctionné ? Il semblerait que oui. Le directeur de l’OMS, Tedros Ghebreyesus a loué les initiatives chinoises qu’il a décrites comme un « chaleureux exemple de solidarité ». 

Jack Ma

Jack Ma, le fondateur d’Alibaba et l’homme le plus riche de Chine, semble travailler sur une campagne visant à gagner les esprits et les cœurs. Son Alibaba Foundation a envoyé quelque 300.000 masques de protection en Belgique – estampillés de la devise nationale « L’union fait la force ».

LVMH (et les distilleries belges)

Ryan Heath de Politico a déjà remis une « médaille d’or » à LVMH, l’empire du luxe de Bernard Arnault (Louis Vuitton). Malgré le coup dur porté par le virus, LVMH a décidé d’arrêter toute production de cosmétiques et de la remplacer par la production d’alcool désinfectant. Un timing grandiose, une communication claire et un exemple à suivre de la manière dont les entreprises peuvent illustrer leur valeur pour la société.

<>Mise à jour 19/03: Mise à jour du 19/03 : entre-temps, les premières bouteilles ont été livrées (image : Wim Wuyts).

L’initiative a été suivie très rapidement en Belgique lorsque des distilleries (de gin et autres) se sont converties à la production d’alcool de désinfection.

Technologie & impression 3D

Le secteur technologique (et l’impression 3D en particulier) se montre également sous son meilleur jour, comme le confirme cet article du Tijd :

L’entrepreneur italien Cristian Fracassi a pu, via sa start-up Isinnova, trouver une solution à un problème urgent : la pénurie d’un type unique de soupapes qui connectent les masques à oxygène aux équipements de ventilation. Ces soupapes Venturi sont introuvables car la production n’est pas capable de répondre à la demande », explique l’ingénieur de 36 ans. Isinnova a réussi à fabriquer ces soupapes au moyen d’une imprimante 3D. D’autres entreprises ont également pris cette initiative, aidant de nombreux hôpitaux italiens à surmonter leurs difficultés.

Materialise, spécialiste de l’impression 3D basé à Louvain, a distribué gratuitement son design d’ouvre-porte imprimé en 3D, permettant d’ouvrir et de fermer facilement les portes avec l’avant-bras. La poignée contribue à réduire la transmission du virus de la poignée aux mains. Materialise appelle également les propriétaires d’imprimantes 3D du monde entier ) créer et distribuer ces poignées, qui peuvent facilement être montée sur une poignée de porte classique. (Full disclosure : Materialise est un client de FINN)

Twikit, l’entreprise d’impression 3D belge, a également souhaité apporter sa contribution en créant un masque buccal imprimé en 3D.

Image

Proximus

Tous les opérateurs télécoms ont décidé d’augmenter ou tout simplement de supprimer les limites de données. Il semble que ce soit Proximus qui ait particulièrement marquer les esprits : l’entreprise a non seulement été la première à le communiquer, mais a également été la plus généreuse dans son offre en levant les limites de données pour tous ses utilisateurs. D’autres fournisseurs augmentent leurs limites de données, sans pour autant les lever.

Les opérateurs font preuve de solidarité avec leurs clients. Les abonnés Proximus, par exemple, pourront passer des appels illimités vers les lignes fixes du pays et ont droit à un volume de téléchargement illimité à la maison via la connexion Internet. Telenet offre également à ses clients un volume de données supplémentaire depuis que les Belges sont invités à travailler à domicile, à suivre des cours en ligne et à garder des contacts à distance dans la lutte contre le coronavirus. Orange a également souhaité faire un geste en offrant à ses clients postpayés 5 Go de volume de données mobiles gratuites.

HLN.be

Delhaize, Aldi

Delhaize a très vite introduit une heure de shopping spécialement dédiée aux groupes les plus vulnérables (65+). Aldi est intervenu en limitant le nombre de clients par mètre carré. (De Standaard:

« La chaîne de supermarchés Delhaize accorde une priorité aux plus de 65 ans et propose un accès à ses magasins de 8h à 9h du matin. Nous comptons sur la solidarité et la compréhension de nos autres clients et les encourageons à venir faire leurs courses en dehors de cette plage horaire ».

Le producteur de lingerie Van de Velde

Les masques de protection étaient extrêmement demandés dans les premiers jours de la crise du Corona, ce qui a créé une mobilisation massive de la part des citoyens qui ont fabriqué des masques de protection fait maison. Des ateliers professionnels ont également pris cette initiative, comme ce fut le cas du producteur de lingerie Van de Velde.

Le secteur de la construction (et les vétérinaires)

Le secteur de la construction a également fait don de masques de protection au secteur médical, geste suivi par des ateliers de couture et des prisons, mais aussi par des vétérinaires prêtant leurs respirateurs artificiels aux hôpitaux. (Source: De Standaard)

Perdants

CureVac

Les sociétés pharmaceutiques, et en particulier les vaccins, devraient aujourd’hui connaitre une vague de soutien (et de commandes boursières). Cependant, la société pharmaceutique allemande CureVac n’a pas été en mesure, et ce depuis plusieurs jours, de préciser si Donald Trump voulait ou non accaparer ses services pour les États-Unis. Alors que les ministres allemands ont confirmé l’information, la direction de la société l’a niée.

(Entreprise non nommée)

Alors que l’Italie est confrontée à une pénurie de respirateurs, un article de The Verge indique que la société détenant la propriété intellectuelles sur les soupapes Venturi a menacé de déposer une plainte contre la société d’’impression 3D. Pas la meilleure manière de gagner la sympathie de la population…

Labrador Diagnostics LLC

Une autre histoire semblable à celle de la propriété intellectuelle: l’entreprise possédant l’ancienne propriété intellectuelle de Theranos (vous vous souvenez ?) dans ses archives s’est opposée à l’utilisation de cette propriété intellectuelle dans le développement de tests pour le COVID-19. « Le procès IP le plus inapproprié de l’histoire », selon Mark Lemley du Stanford Law School Program in Law, Science and Technology.

« Buy and sell » Antwerpen, nightshop Brussel

Des nightshops à Bruxelles et Anvers ont tenté de vendre des masques de protections à des prix exorbitants. Il s’est avéré qu’il ne s’agissait même pas de masques FFP2 (rares et très demandés), mais de copies en papier. Grâce à des influenceurs comme Kobe Ilsen, l’information a pu être transmise très rapidement aux médias.

Que pouvons-nous en conclure ? 

L’épidémie du Coronavirus est souvent comparée à une guerre, et les parallèles existants peuvent être troublants. Voici quelques éléments à prendre en compte lorsqu’on souhaite communiquer lors de la crise du corona:

  • La perception du profit et de l’exploitation de la crise est très dangereuse pour la réputation : tout comme en temps de guerre, nous sommes confrontés à des réactions féroces d’entreprises qui tentent de placer leur profit à court terme au-dessus de l’intérêt général. Plus que d’habitude, les valeurs (collectives) sont centrales dans la manière dont les parties prenantes perçoivent les entreprises.
  • Les comportements antisociaux sont désapprouvés plus rapidement et de manière plus virulente : nous constatons une désapprobation pour les individus qui mettent en danger la collectivité- tout comme lors du Blitzkrieg où les gens se faisaient punir pour ne pas avoir couvert leurs lumières. Le contrôle social augmente. Dans ce contexte, chaque geste peut rapidement prendre une mauvaise tournure: les gens restent chez eux, ont du temps devant eux et sont plus émotifs que d’habitude. Comme nous l’avons déjà précisé, il s’agit d’un mélange parfait pour créer le « bad buzz » sur les réseaux sociaux. Nous pensons ici par exemple à cet appel très émotif d’une infirmière à ne pas se jeter sur les stocks des supermarchés.
  • Placez l’empathie au centre de vos relations avec vos parties prenantes : les entreprises qui arrivent à se faire entendre (et dont le message est diffusé dans les médias) sont celles qui montrent de l’empathie envers des groupes cibles tels que les parents avec enfants (Proximus et Telenet) ou les personnes âgées (Delhaize).
  • Montrez votre valeur ajoutée : « start from why ». Les actions les plus fortes proviennent d’un sentiment d’estime de soi bien cerné, d’un but clair et d’une dose de créativité. Le groupe LVMH qui réalise qu’il peut également produire de l’alcool désinfectant en est le meilleur exemple. La question de départ n’est pas: « que pouvons-nous faire ? », mais bien «comment pouvons-nous faire la différence?  C’est ce que les contemporains de Martin Luther King ont également appelé « grip »: il ne s’agit pas de vouloir dire quelque chose, mais bien d’avoir quelque chose à dire.

Stand up not because you have to say something, but because you have something to say. Make sure of that first, then say it.

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