La communication en cas de licenciement collectif (surtout si la « Loi Renault » est d’application) est l’un des plus grands défis pour le département de communication corporate. 

Rares sont les enjeux plus importants en termes de timing, de messages et d’émotions pour les parties prenantes. Nous aborderons un certain nombre de principes et de parties prenantes importants lors de la communication concernant le licenciement collectif, et nous y ajouterons également une checklist destinée aux services de communication. 

Notions préalables : le licenciement collectif et la Loi Renault

Dans certains cas, la communication et les exigences formelles lors d’un licenciement collectif sont déterminées par ce que l’on appelle la « Loi Renault ». Dans le cadre d’une procédure Loi Renault, ce qui suit est particulièrement important pour la communication portant sur les licenciements collectifs :

Selon la Loi Renault, l’employeur est tenu d’organiser un « tour d’information et de consultation » avant le licenciement collectif. Pendant cette période, les employés doivent avoir la possibilité de formuler des questions et des propositions.

Concrètement, pendant cette période, toute communication doit être formulée sous conditions. En d’autres termes, il ne faut donc pas annoncer que « nous allons fermer la branche X », mais bien que « nous avons l’intention (plan, objectif) de fermer la branche X ». Le tour de consultation est (généralement) suivi d’une période d’attente de 30 jours. Ce n’est qu’à ce moment-là (le « Jour J ») que l’entreprise peut procéder au licenciement. 

Voir le schéma ci-dessous :

(Remarque : le timing peut varier. Le tour d’information et de consultation n’est pas limité dans le temps et la période de blocage peut durer jusqu’à 2 ans.)

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Communication en cas de licenciement collectif : timings

Par conséquent, lors du tour d’information et de consultation ,ainsi que pendant la période d’attente, l’entrerise ne peut communiquer l’impact du licenciement collectif qu’en termes généraux, sans apporter de précisions aux salariés concernés. 

Étape 1 : la communication en cas de licenciement collectif nécessite une bonne compréhension des émotions et des messages (empathie)

La communication en cas de licenciement collectif est inhérente au fait que l’organisation doit communiquer en même temps avec deux publics-cibles aux émotions contradictoires à savoir :

  • Les travailleurs licenciés : une partie du personnel perd son emploi. Ils ont besoin de se sentir traités de manière équitable, même si l’organisation les licencie.
  • Simultanément, la communication s’adresse au personnel qui continue de travailler. Les travailleurs doivent accepter la décision de licenciement collectif et en même temps avoir suffisamment de confiance dans la crédibilité du plan de la direction pour l’avenir. 

Dans le cadre de la procédure Loi Renault, elle est encore rendue plus difficile par le fait que l’entreprise ne peut pas (et n’est d’ailleurs pas autorisée) fournir des informations précises sur les personnes qui seront touchées.

D’un point de vue pratique, cela signifie, du point de vue de la communication sur le licenciement collectif, que la direction doit gérer les émotions et les messages suivants :

Créer un sentiment d’urgence 

L’acceptation du licenciement collectif dépend de la crédibilité de la justification stratégique apportée par la direction.

Dans quelle situation se trouve l’organisation aujourd’hui, et pourquoi ? Quelles sont les causes des difficultés de l’organisation (internes et externes) ? Quelles mesures la direction a-t-elle prises par le passé pour faire face à ces circonstances extérieures ? La direction doit créer un sentiment d’urgence suffisant parmi le personnel pour qu’il puisse accepter que l’entreprise prenne cette mesure drastique.

Un défi important à relever réside dans le fait que le personnel a parfois du mal à faire le lien entre des faits d’actualité (même importants) et leur propre entreprise. Un CEO nous a récemment avoué, en pleine crise du coronavirus, lorsque l’impact économique de son entreprise trustait chaque jour la couverture des journaux: « notre personnel ne semble pas toujours réaliser qu’en quelques semaines tout a changé, et que cela nous frappe durement ».

Cela peut sembler surprenant, mais c’est aussi très humain. C’est à la direction qu’il appartient de matérialiser cette réalité difficile.

Dans la pratique, l’organisation s’appuie souvent sur les plans financiers provenant de consultants ou du département financier pour élaborer ses messages. Sans trop entrer dans les détails, les grandes lignes de l’analyse doivent se retrouver dans la communication, afin que les parties prenantes aient le sentiment que l’exercice a été réalisé sur la base de données objectives.

Montrer de l’empathie

Comme toujours dans la communication de crise, l’empathie est essentielle pour faire passer ce message. Il est crucial que la communication adopte le ton approprié. Les employés ne doivent pas avoir l’impression que la direction ait pris ses décisions trop rapidement.

Le management travaille souvent à l’annonce et au timing des licenciements collectifs pendant des semaines. Pour eux, cette annonce est souvent un poids en moins sur les épaules – ils n’ont enfin plus à garder le secret. Mais pour le personnel, cette annonce est le début d’un processus douloureux et incertain.

En outre, le management doit se rendre compte que certains profils (en particulier les ouvriers) se distancient fortement du top management. Une communication trop émotionnelle peut sembler peu crédible (« larmes de crocodile »). Il est donc crucial de trouver le bon équilibre et le bon tone of voice.

Créer de la confiance

Au même moment, la direction doit faire appel et s’appuyer sur ceux qui restent. Les travailleurs doivent maintenir la confiance dans le management. Plus encore que lorsque tout va bien, l’entreprise a besoin de l’engagement et de la confiance de son personnel pour la guider à travers la crise.

Créer de l’engagement

Une fois le licenciement collectif terminé, l’organisation doit travailler sur l’engagement de toute l’équipe.

Pour résumer :

  • Créer de l’urgence sur base de données objectives
  • Faites preuve d’empathie mais évitez les larmes de crocodile
  • Instaurer de la confiance chez ceux qui restent
  • Rétablir l’enthousiasme et l’engagement de l’équipe

Dans le cadre de la communication en cas de licenciement collectif tombant sous la Loi Renault, la direction doit également fournir ces explications au FOREM (ou au VDAB en Flandre, ACTIRIS ou ADG le cas échéant du côté germanophone) et au SPF ETCS (Service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale).

Il est préférable de mettre en place un groupe de travail composé de membres de la direction, du service juridique, des ressources humaines et de la communication au tout début du processus, afin que les bases de la communication soient bien établies dès le départ. De cette manière, l’entreprise communique toujours d’une seule voix sur la restructuration.

Étape 2 : Calendrier et publics pour la communication sur les licenciements collectifs

À qui communiquons-nous en premier lieu ? Il s’agit là d’une question délicate dans un processus de restructuration.

Légalement, les entreprises doivent d’abord informer le personnel de la réorganisation ou, si la Loi Renault s’applique, de leur intention de procéder à un licenciement collectif.

Dans les entreprises dotées d’une représentation syndicale, cela signifie que l’entreprise doit organiser un conseil d’entreprise extraordinaire pendant lequel l’intention de licenciement collectif est annoncée.

Peu de temps après, le top management (le CEO de préférence) doit informer l’ensemble du personnel. Si l’entreprise est active sur plusieurs sites, il est conseillé d’inclure un message vidéo expliquant l’intention d’une restructuration.

Dans cette annonce, la direction apporte des précisions sur les services concernés et l’impact sur ces services. Le middle management responsable des départements concernés doit, de préférence, être informé avant le conseil d’entreprise extraordinaire afin qu’il puisse répondre aux questions de son équipe.

Dès que possible après cette annonce (si c’est faisable), les employés concernés seront informés personnellement de leur licenciement. Lorsque la Loi Renault s’applique, cela ne peut se faire qu’à la fin du cycle de consultation et d’information et après l’expiration du délai de 30 jours (en principe).

Il se produit toujours une période d’incertitude inévitable entre l’annonce des services concernés et la certitude qui peut être donnée aux employés concernés. Cela peut aller de quelques heures à plusieurs mois dans le cas de la procédure de la Loi Renault.

Nous ne recommandons en aucun cas l’annonce collective d’un licenciement à l’ensemble d’un groupe ou d’un département. Il peut sembler plus « humain » de mettre rapidement fin à l’incertitude de chacun mais, à l’exception de la fermeture de l’ensemble de l’entreprise, c’est une mauvaise approche qui peut sérieusement nuire à la réputation de l’entreprise. Les employés ont le droit de discuter personnellement de la fin de leur travail avec leur superviseur ou un employé des ressources humaines.

Pour en savoir plus : Le CEO de la scale-up Bird admet que le licenciement massif via l’application Zoom était le mauvais choix. « Nous aurions dû informer les gens individuellement, même si cela avait pris des jours. »

Étape 3 : Gestion de l’activité syndicale en cas de licenciements collectifs

Les réactions des syndicats au licenciement collectif peuvent prendre de nombreuses formes et dépendent de la personnalité et du « playbook » du ou des secrétaires syndicaux concernés.

Il est bon de vérifier à l’avance quels secrétaires assisteront le personnel pendant la période du licenciement collectif (en particulier dans le cas d’une procédure Loi Renault) et d’examiner leurs communiqués de presse et leur activité sur les réseaux sociaux.

Soyez prêt pour les éléments suivants :

Mobilisation et rhétorique émotionnelle. Il est essentiel, dans l’intérêt des syndicats, de mobiliser le personnel aussi activement que possible, pour créer une base de soutien plus importante et ainsi être plus forts dans les négociations. Le style de communication peut donc devenir très émotionnel.

Les tactiques utilisées dans ce contexte peuvent prendre la forme d’actions sur le lieu de travail ou aux portes de l’entreprise (avec l’attention des médias), ou l’annulation des consultations avec la direction.

La réputation comme point de pression. En matière de communication de crise, plus la réputation d’une entreprise est mise sous pression, plus elle est disposée à faire des concessions. Il peut donc être dans l’intérêt des syndicats de porter atteinte à la réputation de l’organisation.

Cela peut se traduire par des discussions (parfois reprises dans les médias) sur différents sujets :

  • Applicabilité ou non de la Loi Renault. Lorsque des entreprises licencient depuis un certain temps et annoncent ensuite un licenciement collectif qui reste juste en dessous du seuil de la Loi-Renault, une discussion peut s’engager sur l’applicabilité de la Loi Renault, qui donne beaucoup plus de poids aux salariés.
  • Rejet du plan de restructuration proposé par la direction. Afin d’augmenter la pression sur la réputation au sommet de l’entreprise, nous constatons que les syndicats rejettent ou minimisent souvent le plan proposé par la direction. « Il n’y a pas de plan. » « Ce n’est que le début. » « Nous craignons d’autres mauvaises nouvelles. » Ces messages peuvent notamment être utilisés pour obliger la direction à faire des promesses sur la sécurité de l’emploi. Après tout, s’il existe un plan solide selon la direction, et que l’on ne craint pas de nouveaux licenciements dans les deux ans, pourquoi la direction ne veut-elle pas le mettre sur papier ?
  • Rentabilité de l’entreprise. « Il s’agit d’un exercice de réduction des coûts ». « L’important ce n’est pas la survie de l’entreprise, mais les marges bénéficiaires. » Cela s’observe en particulier si les entreprises ont versé des dividendes ces dernières années : ce point sera soulevé lors des négociations. Cela peut également être un atout pour améliorer les conditions de vie des personnes qui partent.

Dans tous les cas, il est bon pour une entreprise d’investir de manière proactive dans de bonnes relations avec les syndicats et, si possible, de travailler à une réputation d’employeur correct et équitable.

Dans les moments difficiles, l’entreprise peut alors se rabattre sur ce « soutien » par le biais de messages tels que : « comme toujours, mais plus encore dans cette période difficile, nous indemniserons nos collaborateurs de manière équitable/généreuse/appropriée ».

Étape 4 : Communication sur les licenciements collectifs dans les médias

Les entreprises sont réticentes à diffuser leurs mauvaises nouvelles dans les médias. Une question importante lors de la communication sur les licenciements collectifs est donc invariablement de savoir si l’entreprise doit communiquer de manière proactive aux médias sur l’intention de restructuration.

Instinctivement, la plupart des entreprises préfèrent ne pas communiquer. L’on suppose que l’entreprise est trop méconnue ou que la restructuration est trop petite pour attirer l’attention des médias.

En réalité, ce n’est pas le cas. Une simple recherche dans les bases de données de Gopress montre que même les restructurations comportant 17 licenciements sont dignes d’intérêt, en particulier pour les journalistes régionaux. A partir de 50 licenciements, nous constatons une attention régulière dans les médias nationaux. Les restructurations entraînant plus de 100 licenciements sont presque toujours des nouvelles nationales, même si l’entreprise est inconnue.

Les journalistes régionaux jouent un rôle majeur dans la publication de ces nouvelles, et sont souvent informés par le secrétaire syndical. Il n’est pas exceptionnel que la nouvelle soit déjà transmise aux médias pendant le conseil d’entreprise extraordinaire ou peu après.

En général, il est préférable qu’une entreprise apporte elle-même de mauvaises nouvelles (« stealing thunder »). Cela présente les avantages suivants : 

Si, en tant qu’entreprise, vous laissez l’initiative de communiquer au syndicat, cela peut mener à de fausses déclarations très difficiles à rectifier. De plus, le ton utilisé est alors très négatif (voir point 3 : syndicats).

S’il y a 80% de chances que la nouvelle de votre licenciement collectif apparaisse dans les médias, il vaut peut-être mieux prendre vous-même l’initiative, par exemple en envoyant un court communiqué factuel à Belga. Cela se fait en pratique à partir du moment où l’entreprise licencie plus de 50 personnes.

  • Vous vous assurez que les faits sont exacts
  • Vous contrôlez le timing de vos informations
  • Vous contrôlez vous-même les messages

Étape 5 : Traiter avec les acteurs politiques

Les acteurs politiques sont également importants dans la communication sur un licenciement collectif. Leur activité est fortement liée à l’attention des médias.

La pratique usuelle veut que l’on informe les responsables politiques locaux des licenciements collectifs, en particulier si les emplois dans les entreprises manufacturières (ouvriers) sont menacés. En cas de restructuration ou de fermeture importante, il est conseillé d’informer également le (cabinet du) Ministre de l’Emploi.

Les licenciements collectifs entraînent une activité politique le plus souvent du côté francophone, là où les politiciens flamands sont généralement plutôt réticents.

Exemple : GSK. Lorsque GSK a annoncé qu’elle allait licencier quelque 700 personnes, cela a conduit à une surenchère politique entre le PTB et le PS du côté francophone. Le PTB et le PS se sont principalement concentrés sur les avantages fiscaux que GSK avait reçus des gouvernements régionaux et fédéraux.

Cherchez les sept différences : celui-ci vient du PTB

communicatie collectief ontslag

Et celui-ci du PS :

De Standaard, 07/02/2020: Ahmed Laaouej, chef de groupe du PS à la Chambre a averti l’entreprise qu’elle ne peut pas mettre impunément des centaines de travailleurs à la rue car elle a reçu plusieurs centaines de millions d’euros d’aides fiscales et de réductions de cotisations sociales ces dernières années. Le député PTB Raoul Hedebouw s’est même exprimé en public sur le « banditisme social » de l’entreprise et a souligné que les réductions d’impôts dont GSK a bénéficié ont été obtenues grâce au soutien du PS, entre autres. 

Communication en cas de licenciement collectif : checklist

Afin d’être bien préparé, il faut au moins disposer des outils de communication suivants en cas de licenciement collectif : 

  • Message house (proactif) : L’équipe responsable du projet (top management, département juridique, RH, finances, communication) élabore d’abord un message stratégique, étayé par des faits, dans lequel l’analyse et le plan de la direction sont expliqués de façon compréhensible. Essayez de limiter ce message sous la forme d’une message house comprenant 3 messages principaux avec des ‘proof points’ sous-jacents. Ces messages constituent la base de toute communication. Quel est le contexte, quelle est l’intention de la direction, quel sera le résultat de ce plan ?
  • Questions & Réponses (FAQ, Q&A – réactif) : Sur la base des interpellations attendues des parties prenantes, l’équipe en charge du projet élabore des questions et réponses fréquemment posées.
  • Mediatraining : Non seulement pour les contacts avec les médias, mais aussi pour les contacts avec les syndicats et les acteurs internes. Il est essentiel que tous les porte-paroles (internes et externes) soient en mesure de gérer et de contrôler les messages clés et les questions-réponses, afin d’éviter les malentendus et une communication ambiguë.
  • Briefing (interne) – middle management : Juste avant le conseil d’entreprise extraordinaire, le top management informe le middle management sur le plan de restructuration (éventuellement après la signature d’un accord de confidentialité), en accordant une attention particulière aux questions-réponses préparées par l’équipe.
  • Annonce (interne) – présentation en conseil d’entreprise extraordinaire : Dans cette présentation, la direction donne un aperçu de l’analyse stratégique et financière, du plan et des licenciements proposés.
  • Annonce (interne) – speech du CEO, vidéo : Basée sur la message house mais centrée sur l’impact émotionnel de l’annonce sur le personnel.
  • Annonce (interne – mailing interne ou message sur l’intranet) : De cette manière, vous vous assurez que le message parvienne à toutes les parties prenantes internes.
  • Annonce (externe – proactive ou réactive) : Communiqué de presse, communiqué réactif, déclaration en attente.
  • Annonce (externe – proactive) : Scripts pour les contacts avec les clients, les associations et fédérations, les acteurs politiques, les fournisseurs.
  • Mediamonitoring et monitoring des parties prenantes : Le jour de l’annonce (+ 2 semaines), assurez toutes les heures un suivi des médias et des parties prenantes (sites web, réseaux sociaux). Pendant toute la durée de la procédure Loi Renault : assurez un suivi périodique des médias et des parties prenantes, en particulier lors des moments de consultation avec les syndicats et les autres parties prenantes.

Communication en cas de licenciements collectifs : étapes de la Loi Renault

Vous trouverez davantage d’informations sur les sites gouvernementaux suivants : 

Soutien en matière de communication sur le licenciement collectif 

FINN offre un soutien à la fois stratégique et opérationnel aux entreprises qui doivent communiquer sur des licenciements collectifs. Contactez en toute discrétion Kristien Vermoesen (+32 472 924 797) ou Raf Weverbergh (+32 475 418 127) ou via notre formulaire de contact. Il va sans dire que la discrétion est garantie.

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