Pour la 4e fois consécutive, FINN a analysé la manière dont plus de 50 des plus grandes entreprises belges ont rendu compte de leurs émissions carbone. Alors que les années Covid avaient déjà été marquées par des progrès réguliers, on observe aujourd’hui une vraie accélération de la communication sur la durabilité.
Des efforts liés à la pression régulatoire (en particulier la directive RSE), mais aussi à un changement dans la façon de concevoir la durabilité et la place qu’elle occupe dans la gestion des entreprises.
Dans cette étude, nous avons comparé la façon dont les entreprises belges communiquent sur leurs efforts en la matière dans leurs rapports annuels, leurs rapports de durabilité et sur leurs sites web (pour la méthodologie complète, voir ci-dessous).
Principales conclusions
1. Groupe de tête étoffé, solitude en queue de peloton
Plus de la moitié des sociétés (51 %, soit 27 sur 53) se situent aujourd’hui dans le groupe de tête (contre 40 % l’année dernière) : elles ont défini des objectifs chiffrés en matière de CO2 pour 2030 ou plus tôt. Elles font part de plans d’action plus ou moins détaillés pour atteindre cet objectif. Elles se réfèrent également à l’initiative Science-based Targets (SBTi), une méthodologie développée notamment par le Carbon Disclosure Project, le Global Compact des Nations unies et le WWF. Le SBTi est aujourd’hui une référence incontestée en la matière.
Si 5 nouvelles venues avaient rejoint ce groupe l’année dernière, elles sont 8 cette année, signe que la professionnalisation s’accélère. De plus en plus d’entreprises non cotées figurent dans ce groupe de tête, comme Beaulieu (la plus belle progression), Jan De Nul, Besix et Ethias.
70 % (plus des 2/3) des entreprises reprises dans notre échantillon peuvent se prévaloir de bons résultats : elles répondent aux mêmes critères que le groupe de tête, mais sans référence au SBTi. C’est une augmentation de 32 % par rapport à 2022.
Seules 3 entreprises se trouvent encore dans la dernière de nos catégories. On se sent bien seul en bas de l’échelle…
2. L’ESG, un effort à l’échelle de l’écosystème
Pour la première fois, 34 entreprises communiquent sur leurs émissions dites de « scope 3 », soit une augmentation de 30 % par rapport à l’année dernière. Le Scope 3 comprend les émissions indirectes en amont et en aval de la chaîne de valeur, telles que le transport et la distribution, les biens achetés, l’élimination des déchets, etc.
Le Scope 3 est considéré comme la partie la plus difficile d’un rapport, car il dépend des comportements des fournisseurs, mais aussi des clients et des partenaires. Sa présence est un signe de maturité dans le reporting et une indication du fait que les entreprises regardent au-delà de leurs propres opérations pour s’intéresser à l’écosystème dans lequel elles opèrent.
Alors qu’auparavant, il était souvent limité à des initiatives isolées telles qu’une journée sans voiture ou des panneaux solaires sur le site d’une usine, le rapport de durabilité reflète aujourd’hui l’émergence d’une approche en réseau.
Quelques citations :
Nous voulons aider nos partenaires aéroportuaires et l’ensemble du secteur de l’aviation à réduire leurs émissions.
Brussels Airport
En tant que tel, notre objectif est d’inspirer nos clients à réaliser leurs ambitions en matière de développement durable et, ce faisant, de créer, avec eux, le plus grand impact possible.
Belfius
Nous nous intéressons à deux choses : comment nous pouvons produire de l’énergie durable en tant qu’entreprise et comment nous pouvons permettre aux consommateurs d’accéder à une énergie durable et abordable.
Colruyt
3. La durabilité comme stratégie de croissance
A la lecture des derniers rapports annuels, on constate que la durabilité est désormais présentée comme partie intégrante de la stratégie de croissance des entreprises.
Agfa Gevaert, parexemple, place symboliquement son rapport non financier avant son rapport financier, soulignant que la société veut « croître de manière durable ». Ackermans & van Haaren ouvre son rapport annuel avec le slogan « Votre partenaire pour une croissance durable ».
On pourrait ironiquement conclure que de tels positionnement répondent à une mode autant qu’à un engagement sincère. C’est peut-être (en partie) vrai.
Pour autant, nous voyons de plus en plus de CEO et autres C-executives incarner ces développements, ce qui témoigne de l’importance croissante du sujet dans l’agenda des comités de direction.
Une récente enquête menée par Bain & Company auprès de CEO belges a montré que 95 % d’entre eux reconnaissent qu’ils peuvent et doivent faire plus en matière d’ESG, et que 86 % pensent que le fait d’agir dans ce domaine crée une valeur commerciale et sociétale supplémentaire.
4. Prolifération de labels dans les rapports sur la durabilité
Sur fond de prolifération de normes et cadres, le mouvement vers une professionnalisation des rapports de durabilité est clair.
Référence est faite aux Objectifs de Développement Durable des Nations unies dans presque tous les rapports. De même, ceux-ci mentionnent de plus en plus souvent leur conformité à la taxonomie de l’UE et incluent des analyses de matérialité.
Comme expliqué plus haut, le SBTi semble s’imposer de plus en plus en tant qu’élément de crédibilité : la moitié des entreprises participant à notre étude l’utilisent désormais comme référence.
Des certifications ISO aux agences de notations locales ou internationales (tel Ecovadis), la prolifération de cadres et labels n’est toutefois pas sans créer de problèmes si l’on veut pouvoir comparer des pommes avec des pommes.
Avec les European Sustainable Reporting Standards (ESRS) , des efforts sont en cours pour répondre au besoin de normalisation, et ce n’est pas trop tôt.
Par ailleurs, la Commission européenne a récemment adopté une proposition visant à réglementer les fournisseurs de notations ESG afin d’améliorer la fiabilité, la comparabilité et la transparence de ces notations.
Tendances et réflexions
Greenhushing : préférer le silence au rapport sur le développement durable ?
Au niveau international, certains s’inquiètent d’un phénomène de « greenhushing« , caractérisant les entreprises qui s’abstiennent de divulguer leurs efforts en matière d’ESG en raison de réglementations plus strictes et des risques potentiels associés à l’écoblanchiment.
Certaines entreprises ont en effet été vivement critiquées pour avoir fait des promesses sans plans concrets ni efforts transparents afin de relever les défis environnementaux.
Nous avons, pour notre part, remarqué que quelques entreprises belges ne suivent pas (encore) la tendance vers un reporting de durabilité détaillé. Celles-ci choisiraient-elles de garder le silence sur leurs émissions et leurs initiatives afin de moins s’exposer ?
À cet égard, la communication de Barry Callebaut en mai de cette année, qui a reporté sa promesse d’un chocolat 100 % durable d’ici 2025, est interpellante. Après les « avertissements sur les bénéfices », on peut s’attendre à voir de plus en plus d' »avertissements sur la durabilité » ou sur les émissions carbones à l’avenir.
Découplage croissance – C02 : le rôle clé de l’innovation
Malgré des progrès évidents, les défis restent importants.
En particulier lorsque les sociétés entreprennent de réduire leurs émissions de Scope 3, où le plus dur reste à faire. Plusieurs communiquent encore aujourd’hui uniquement en termes d’intensité carbone par unité produite. Ce ratio cache le grand défi qui s’impose aujourd’hui à chacune d’entre-elles. Il est de découpler sa courbe de croissance de ventes ou de production de celle d’émissions CO2 qui, elle, doit poindre vers le bas pour atteindre le net-zero « .
Dans leurs rapports, les entreprises insistent de plus en plus sur la nécessité d’innover pour atteindre leurs objectifs de réduction. Les références aux technologies de capture du carbone (Carmeuse, Lhoist), aux changements de process et aux solution circulaires (Etex) illustrent ces changements d’approche.
Attirer les talents
Une récente étude de House of HR relève que les compagnies pétrolières et gazières ont aujourd’hui, auprès les talents, des niveaux d’attractivité aussi bas que l’industrie du tabac. Les énergies renouvelables, quant à elles, figurent en tête de liste.
Une autre étude, réalisée par Deloitte, montre que la lutte contre le changement climatique et la durabilité environnementale sont des facteurs décisifs dans le choix d’un employeur pour les moins de 40 ans.
Ce lien établi est porteur d’un paradoxe intéressant. Les industries traditionnelles, fortement émettrices, sont aussi celles qui font face aux plus grands défis. Pour peu que leur engagement soit sincère, elles sont les lieux ou les nouvelles technologies de décarbonation trouveront leurs effets de levier les plus importants. Pour les jeunes ingénieurs, réussir à décarboner ces secteurs est une promesse de réussite partout ailleurs.
FINN : votre agence de communication pour les rapports ESG et de développement durable
Des questions sur votre rapport ESG ou de développement durable ? FINN vous accompagne dans tous les aspects et sur tous les canaux, de la préparation des rapports à la communication de votre CEO. Contactez-nous pour échanger !
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Nos références : AB Inbev, La Lorraine, Lhoist, Vandersanden, Saint-Gobain Belgique, Spadel
Méthodologie
Nous avons repris dans notre échantillon les sociétés à ancrage capitalistique belge dont la taille est mesurée sur base de leur chiffre d’affaires 2018. Nous avons retiré de l’échantillon les holdings purement financiers et les sociétés de trading.
Nous nous sommes basés sur les derniers rapports annuels publiés avant le 8 juin 2022 (aussi bien financiers que CSR/durabilité), ainsi que sur les sites web corporate de ces sociétés.
Nous les avons analysés à travers 7 questions :
- La société exprime-t-elle un engagement en matière de développement durable et/ou présente-t-elle des initiatives concrètes ?
- Se livre-t-elle à un reporting spécifique sur la durabilité, y compris des données chiffrées ?
- La société a-t-elle publié son emprunte carbone, chiffres à l’appui ?
- Quel en est le scope (1, 2, 3)[1] ?
- La société communique-t-elle des objectifs de réduction CO2 clairs et chiffrés (au niveau du groupe) ?
- L’entreprise communique-t-elle des plans chiffrés de réduction d’émissions CO2 à l’horizon 2030 ou plus tôt ?
- Fait-elle une référence explicite au SBTi ?
Notre recherche n’a pas pour intention de juger des ambitions de décarbonisation, de leur alignement avec les objectifs des accords de Paris ou encore de la crédibilité des plans entrepris par les entreprises, mais bien de la façon dont elles communiquent à ce sujet.